Centre de recherche et d’enseignement
des géosciences de l’environnement
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des géosciences de l’environnement

Comment notre avenir sera-t-il façonné par le changement climatique global ?

Dans le but de mieux appréhender notre futur, une collaboration internationale, à laquelle ont participé des chercheurs du Centre de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement (AMU/CNRS/IRD/INRAE/Collège de France), explore les anciennes périodes chaudes de l’histoire de la Terre. Dans leur étude, publiée le 29 janvier dans la revue Nature Geoscience, ils montrent qu’une augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère il y a 56 millions d’années a entraîné un changement brutal des précipitations et de la végétation en Asie centrale.

Aujourd’hui, de vastes steppes sans arbres caractérisent le paysage de l’Asie centrale. Les rares précipitations qui atteignent l’intérieur de l’Asie sont principalement dues à la mousson en été ou aux vents d’ouest des latitudes moyennes en hiver et au printemps. Ces steppes sont particulièrement sensibles aux changements de température et de précipitations, avec toutes les conséquences que cela implique pour leurs habitants, comme l’antilope de la Saïga ou le cheval de Przewalski, une espèce menacée », explique le Dr Niels Meijer, avant d’ajouter : « L’une des grandes incertitudes du changement climatique mondial est de savoir comment la mousson asiatique et les régions d’Asie centrale qui en dépendent réagiront aux futurs changements climatiques. »

Faisant partie d’une équipe de recherche internationale qui travaille dans la région depuis plus de vingt ans, Niels Meijer s’est récemment concentré sur la période chaude du début du Paléogène, où il a identifié un événement hyperthermal de réchauffement extrême daté avec précision de 56 millions d’années.

Afin de reconstituer les régimes de précipitations de cette époque, les chercheurs ont combiné leur expertise pour développer une approche multi-proxy innovante dans laquelle ils ont combiné du pollen et des spores fossiles ainsi que des données géochimiques provenant de sols fossiles. « Au cours de l’événement hyperthermal que nous avons étudié, les précipitations ont temporairement doublé en raison des températures plus élevées et la steppe régionale a été remplacée par un paysage forestier », explique Meijer en décrivant les résultats et en ajoutant : « Mais surtout, nous avons pu utiliser des données géochimiques pour montrer que les sols se sont asséchés en hiver, ce qui signifie que, contrairement aux attentes, la plupart des précipitations sont tombées pendant la période estivale – ce qui est comparable à la mousson moderne. »

Les scientifiques associent cet évènement hyperthermal au « maximum de température du paléocène/éocène », une phase de réchauffement de la planète associée à une augmentation considérable des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et les océans de la Terre. Au cours de cette période, la température globale a augmenté en moyenne de six degrés Celsius en l’espace de quelques milliers d’années. Leurs recherches montrent qu’en Asie cet évènement s’est accompagné de conditions exceptionnellement humides et à une expansion des précipitations vers l’intérieur des terres, qu’ils ont appelée proto-mousson.

« Le verdissement brutal du désert de la steppe d’Asie centrale résultant du climat de mousson a probablement aussi permis la propagation de nouvelles espèces de mammifères et peut également avoir joué un rôle dans les rétroactions du cycle mondial du carbone », résume Meijer avant de conclure : « Notre travail montre une réponse abrupte et non linéaire des moussons asiatiques aux conditions extrêmes de l’effet de serre. Bien que les mers et les montagnes d’Asie il y a 56 millions d’années aient été très différentes de celles d’aujourd’hui, ces données mettent en évidence la possibilité de changements brusques dans les précipitations et les écosystèmes d’Asie centrale dans le cadre d’un réchauffement planétaire futur. Le réchauffement actuel impose des températures extrêmes et une sécheresse accrue sur la steppe d’Asie centrale, ainsi que sur sa flore et sa faune fragiles, qui sont déjà menacées par l’utilisation anthropique des sols. Des changements abrupts encore plus spectaculaires sont attendus si les températures continuent d’augmenter ».

29.01.2024

Publications

Extreme Eocene warmth drove proto-monsoons and desert greening far into the Asian interior

Niels Meijer1, Alexis Licht2, Amber Woutersen3, Carina Hoorn3, Faez Robin-Champigneul4, Alexander Rohrmann5, Mattia Tagliavento6, Julia Brugger1, Fanni D. Kelemen7, Andrew Schauer8, Micheal Hren9, Aijun Sun10-12, Jens Fiebig6, Andreas Mulch1,6, Guillaume Dupont-Nivet13,14

https://doi.org/10.1038/s41561-023-01371-4

1) Senckenberg Biodiversity and Climate Research Centre (SBiK-F), Frankfurt am Main, Germany.

2) CNRS, IRD, INRAE, CEREGE, Aix Marseille University, Aix-en-Provence, France.

3) Department of Ecosystem and Landscape Dynamics (ELD), Institute for Biodiversity and Ecosystem Dynamics (IBED), University of Amsterdam, Amsterdam, the Netherlands.

4) Maastricht University, Faculty of Science and Engineering, Maastricht Science Programme, Maastricht, the Netherlands.

5) Institute of Geological Sciences, Freie Universität Berlin, Berlin, Germany

6) Goethe University Frankfurt, Institute of Geosciences, Frankfurt am Main, Germany.

7) Goethe University Frankfurt, Institute for Atmospheric and Environmental Sciences, Frankfurt am Main, Germany.

8) Department of Earth and Space Sciences, University of Washington, Seattle, WA, USA.

9) Department of Earth Sciences, University of Connecticut, Storrs, CT, USA

10) Key Laboratory of Western China’s Environmental Systems (Ministry of Education), College of Earth and Environmental Sciences, Lanzhou University, Lanzhou, China.

11) Key Laboratory of Desert and Desertification, Northwest Institute of Eco-Environment

and Resources, Chinese Academy of Sciences, Lanzhou, China.

12) University of Chinese Academy of Sciences, Beijing, China.

13) Géosciences Rennes-UMR CNRS 6118, Univ Rennes, CNRS, Rennes, France.

14) GFZ German Research Centre for Geosciences, Potsdam, Germany

Le climat d'Asie centrale est, toujours aujourd'hui occasionnellement affecté par les moussons en été. Photo: Meijer/Senckenberg
Echantillonnage près de Xining, Chine occidentale. Photo: Dupont-Nivet/CNRS Rennes
Deux grains de pollen fossils. A gauche, Ephedra, typique des arbustes des steppes d'Asie centrale de la période Paléogène. A droite, Juglandaceae, un taxon ancestral de noyer qui se répand en Asie Centrale pendant l'hyperthermal il y a 56 millions d'années. Photo: Hanna van den Hil and Julia Gravendyck.
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Pour en savoir plus
. Nature Geoscience, 29/01/2024
. CNRS Terre et Univers, 01/02/2024
. Infuse, 02/02/2024

Contacts

Niels Meijer, Senckenberg Biodiversity and Climate Research Center
niels.meijer@senckenberg.de

Guillaume Dupont-Nivet, Géosciences Rennes-CNRS
Guillaume.dupont-nivet@univ-rennes1.fr
www.paleoenvironment.eu

Alexis Licht, CEREGE-CNRS
Licht@cerege.fr

Carina Hoorn, IBED- University of Amsterdam
M.C.Hoorn@uva.nl