Séminaire exceptionnel : Apolline MARIOTTI (GFZ – German Research Center for Geosciences à Potsdam (Allemagne))

Résumé : La reconstitution de l’évolution des taux de dénudation au cours du temps est une tâche importante pour quantifier et comprendre l’impact du climat et de ses variations sur l’évolution des paysages. Aujourd’hui, je vais présenter les résultats de trois études utilisant le 10Be in-situ comme traceur des taux de dénudation dans le bassin versant du Var (Alpes-Maritimes).

Au court terme, l’impact des événements météorologiques extrêmes sur l’évolution des paysages et des bilans sédimentaires est difficile à contraindre. Nous avons donc besoin d’estimations quantitatives des changements géomorphologiques et des flux sédimentaires associés aux différents phénomènes (glissements de terrain, remobilisation des sédiments). La fréquence de ces événements à l’échelle des temps géologiques et historiques et la manière dont ils peuvent être induits par le changement climatique sont également des préoccupations majeures, notamment pour la gestion des risques naturels.

Au long terme, les conséquences des variations climatiques majeures, telles que les glaciations du Quaternaire sur les taux de dénudation, sont aussi mal contraintes avec des conclusions parfois contradictoires.

Les concentrations de 10Be mesurées dans les sédiments fluviaux sont un outil puissant pour tracer l’évolution des dynamiques sédimentaires au court et long terme.

Nous définissons deux périodes de temps avec des paramètres climatiques différents afin de déterminer quels forçages climatiques ont un impact sur le système sédimentaire.

• Variations au court terme (2016 – 2021) :
  • Les 2 et 3 octobre 2020, le bassin versant du Var dans les Alpes françaises a été frappé par un épisode pluvieux extrême lié à la tempête « Alex » (> 500 mm / 24h). Cet événement a entraîné des crues soudaines dans les vallées de la Vésubie et du Var, mobilisant un grand volume de sédiments et entraînant un panache sédimentaire de 10 km de long à l’exutoire du Var. Afin de caractériser la réponse du système varois à l’événement « Alex », nous comparons les concentrations en 10Be des échantillons prélevés en 2016, 2017 et 2018 avec les concentrations en 10Be des échantillons prélevés aux mêmes endroits après la tempête de 2020 à + 7 jours, + 21 jours, + 4 mois et + 7 mois.
• Variations au long terme (0 – 75 ka) :
  • 21 échantillons issus de deux carottes de sédiments datées à haute résolution et collectées sur la ride sédimentaire du Var dans la Méditerranée. Ils fournissant un enregistrement unique pour reconstruire l’histoire de la dénudation du bassin versant du Var au cours de la dernière période glaciaire, le LGM (26 – 19 ka), la déglaciation (19 -11 ka) et l’Holocène (11 ka – 0 ka). Ce contexte sédimentaire permet d’étudier l’impact des fluctuations climatiques rapides sur les taux de dénudation dans un bassin versant glaciaire montagneux sur une échelle de temps qui n’est pas influencée par la tectonique.

L’événement pluvieux extrême d’octobre 2020 et notre jeu de données 10Be au long terme offrent l’opportunité unique d’évaluer la sensibilité d’un système sédimentaire et sa capacité à relayer des événements extrêmes dans un système source-puits. C’est également une occasion rare de caractériser la signature géochimique 10Be d’un événement extrême. Cette étape est aussi importante pour interpréter les signaux paléo-10Be dans les archives sédimentaires.