2024 célèbre le cinquantenaire de la découverte de Lucy (24/11/1974), nom donné au squelette d’Hominidé désormais célèbre, découvert à Hadar, en territoire Afar, Éthiopie.
Cette découverte a ouvert la voie aux multiples recherches et prospections de terrain qui enrichissent encore aujourd’hui les connaissances sur l’évolution de nos ancêtres. Depuis, des progrès considérables ont eu lieu, de nouveaux restes fossiles appartenant à plusieurs espèces d’homininés (Australopithèques inclus) ayant été trouvés dans le Rift de l’Éthiopie.
Entre 1966 à 1973, un gisement fossilifère du Sud de l’Ethiopie, dans la basse vallée de l’Omo, près de la frontière du Kenya est l’objet de prospections par des équipes multidisciplinaires internationales. Yves Coppens y dirige la grande expédition paléontologique française conjointe à deux expéditions anglaise et américaine. Des restes fossiles d’hominidés ont été trouvés, dispersés, dents, fragments osseux et crânes (à l’Est Turkana). Ils indiquent la présence d’Australopithèques dans l’hémisphère tropical nord, à partir de 2,5 Ma. Yves Coppens fait connaître et médiatise avec succès l’expédition de l’Omo. A l’aube d’une brillante carrière qui débute au Musée de l’Homme à Paris, il est déjà célèbre lorsque les premiers homininés sont découverts en Afar, et que son talent de conférencier, de communicant et d’auteur fera de « Lucy » un véritable mythe de l’origine de l’Humanité.
Maurice ayant découvert des dépôts sédimentaires importants dans la basse vallée de l’Awash, il a besoin de connaître leur âge, afin d’établir une carte géographique et géologique pour sa thèse. A partir de 1971, Maurice Taieb et Jon Kalb parcourent et prospectent ensemble l’immense territoire des nomades de régions quasi inconnues. Ils découvrent l’étendue des affleurements sédimentaires du Rift et de nombreux gisements fossilifères et d’outils taillés.
En 1971, Maurice Taieb rapporte une mâchoire d’éléphant reconnue par le paléontologue Yves Coppens comme appartenant à une espèce, Elephas recki, caractéristique des strates les plus anciennes du gisement paléontologique de la vallée de l’Omo, qui a été l’objet des premières datations K/Ar.
En Mai 1972, Maurice invite Yves Coppens et Donald Johanson à ’une courte tournée durant laquelle ils atteignent Hadar, L’abondance des ossements fossiles d’animaux de toutes sortes, répandus sur une étendue immense, est à couper le souffle. Au retour dans la capitale Addis-Abeba, ils créent l’IARE (International Afar Research Expedition) qui inclut Raymonde Bonnefille et Jon Kalb.
La première expédition à Hadar a lieu à l’automne 1973. Motivés par le désir de trouver, par la fascination de l’inconnu, et par une entente respectueuse des talents de chacun, l’expédition des quatre doctorants va de l’avant, enthousiaste malgré des difficultés. En décembre 1973, Donald Johanson localise les ossements correspondant à l’articulation du genou d’un Australopithèque debout.
A partir de cette première découverte, l’intérêt scientifique, vite compris aux Etats-Unis, et les nombreuses conférences permettent à Donald Johanson, un financement conséquent pour la poursuite des prospections
En 1974 l’équipe est étoffée d’autres géologues américains, de préhistoriens et paléontologues français. Elle dispose de moyens matériels plus conséquents, associant des éthiopiens du Musée d’Addis-Abeba. Donald Johanson et Tom Gray repèrent les différentes pièces du squelette de Lucy, dispersées en surface, sur la pente d’une colline à la localité 288. Maurice Taieb aura alors l’aide d’autres géologues pour asseoir l’âge de Lucy à 3.2 Ma…et soutenir sa thèse !
Suivent deux années fructueuses durant lesquelles Maurice dirige et organise les campements. Les prospections s’interrompent à partir de 1978, suite aux changements politiques et administratifs survenus en Éthiopie avec la fin du régime impérial. Elles reprendront en 1990, exclusivement américaines, dirigées par Donald Johanson, puis B. Kimbel, soutenues et financées par « l’Institut of Human Origins ».
Elles continuent jusqu’à aujourd’hui, complétées dans les régions voisines, par celles entreprises par d’autres chercheurs américains et éthiopiens. Depuis un demi-siècle les découvertes multiples dans la zone du Rift en Éthiopie rendent hommage à Maurice Taieb, pionnier et découvreur de cet eldorado des recherches archéologiques et anthropologiques.
Maurice Taieb, chercheur CNRS et géologue de terrain au laboratoire de Géologie du Quaternaire, ultérieurement intégré au CEREGE, est le premier, à avoir découvert les dépôts fossilifères de la basse vallée de l’Awash en Éthiopie.
Audacieux, téméraire, il s’est aventuré pour sa thèse dans le territoire Afar dans les années 1970 à la recherche de dépôts plus conséquents et anciens.
Maurice parcourt des régions difficiles, avec un sens remarquable du repérage dans l’espace. Il sait, comme personne, vivre dans des conditions spartiates et établir le contact amical avec les nomades du désert. C’est un berger Afar qui pointera au loin la zone où il a vu des ossements.
Bibliographie
Taieb M. 1985 : « Sur la Terre des Premiers Hommes » quand la géologie devient une aventure. Paris Robert Laffont.
Bonnefille R. 2018 : « Sur les pas de Lucy » expéditions en Éthiopie. Paris. Odile Jacob.
Note de Raymonde Bonnefille, DR CNRS, aux jeunes chercheurs
« En retraçant cette histoire qui pour certains revêt un caractère mythique, je souhaite qu’elle soit source d’inspirations. Il est toujours possible aux jeunes chercheurs de découvrir des choses nouvelles. C’est la grandeur de notre métier au CNRS. Dans le domaine géologique, sur les traces de Maurice, il reste des inconnus à élucider, certes moins médiatiques mais tout aussi intéressants. Les prospections paléoanthropologiques concernent des territoires limités géographiquement, et non placés dans le contexte géologique plus général de l’évolution temporelle du Rift depuis 10 millions d’années. On ne dispose pas d’une vision d’ensemble telle qu’abordée initialement par M. Taieb et J. Kalb. Par exemple, avec toutes les datations de cendres volcaniques obtenues maintenant, il n’existe aucune carte géologique de la répartition des dépôts sur l’ensemble du Rift. A quelle altitude était-il au moment de l’occupation par les premiers australopithèques ? Comment s’est effectuée la succession des dépôts sédimentaires, en un seul lac initial, fragmenté ensuite en plusieurs lacs se déplaçant du sud au nord ? Quel a été le rôle respectif des mouvements tectoniques et des changements climatiques ? Pourquoi et comment cette région est-elle demeurée le domaine favori des Australopithèques entre 4 et 3 millions d’années ? Voici quelques thèmes qui pourraient accompagner les prospections à venir sur les homininés.
Bonne chance aux chercheurs futurs. »