C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Annie Vincens à Aix-en-Provence le 27 juin 2024.
Annie Vincens est née en 1950 à Sanga Sanga en Indonésie.
Chercheuse au CNRS, d’abord au Laboratoire de Géologie du Quaternaire (LGQ) à Meudon-Bellevue à partir de 1976, puis à Marseille où elle fût titularisée en 1984, et enfin au CEREGE à Aix-en-Provence, Annie était spécialisée dans l’étude des changements environnementaux et climatiques d’Afrique tropicale.
Au début de sa carrière, elle s’est intéressée à l’environnement des premiers humains, notamment au Kenya, au cours du Plio-Pléistocène, à l’initiative de R. Bonnefille, dans le cadre de missions internationales coordonnées par G. Isaac et R.E.F. Leakey.
Annie a soutenu sa thèse d’état à l’Université d’Aix-Marseille en 1982 “Palynologie, environnements actuels et plio-pléistocènes à l’Est du lac Turkana (Kenya)”. Elle avait auparavant, en 1977, participé aux études palynologiques du site de Lucy (Éthiopie), dans le cadre de l’International Afar Research Expedition”, dirigée par Maurice Taieb.
Annie a été à l’origine d’une quantité impressionnante d’analyses d’échantillons palynologiques de surface au Kenya et en Tanzanie, et a participé aux travaux de calibration entre pluie pollinique, végétation et climat et en particulier à ceux visant à la modélisation de la végétation et du climat, au travers de la “biomisation”.
Annie a poursuivi ses travaux par l’analyse de nombreux sites plus récents d’Afrique orientale (lacs Magadi, Natron, Rukwa et dernièrement lac Masoko, exceptionnelle série palynologique recouvrant les derniers 40 000 ans en Tanzanie). De plus, Annie a aussi étendu son expertise dans le bassin du Congo, où elle a participé au programme ECOFIT, mis en œuvre par M. Servant de l’ORSTOM (actuel IRD).
Enfin, son expertise exceptionnelle en morphologie pollinique et en botanique, ainsi que la rigueur de ses analyses, ont été d’un apport de tout premier plan à la Banque Africaine de Données Polliniques (APD) à laquelle elle a participé dès ses débuts, et où elle a assuré l’homogénéisation de la nomenclature pollinique après vérification des déterminations à l’aide de la collection de référence des lames palynologiques du CEREGE et du MNHN. Annie a formé de nombreux étudiants, notamment africains, à la palynologie.
Des travaux d’Annie on retiendra la qualité des analyses palynologiques effectuées, notamment sur de nombreux sondages des lacs africains, données et articles dont l’intérêt scientifique demeurera longtemps.
Avant de partir en retraite, Annie a laissé toutes ses données, soigneusement étiquetées, rangées, classées. Elle a fait de même avec la collection de pollen de référence, pour laquelle elle a passé en revue toutes les lames et mis à jour un fichier qui renseigne non seulement le statut de préservation de chaque lame, mais qui met aussi à jour le nom de chaque spécimen. Ce travail énorme témoigne de son dévouement pour la collectivité et de sa rigueur implacable.
Annie a commencé sa carrière sur les niveaux sédimentaires pliocènes d’Hadar en Éthiopie. © photo de Raymonde Bonnefille
Annie était une passionnée de botanique. Elle a publié un livret (“Le Plateau du Petit Arbois, Guide et détermination de 184 plantes par la couleur des fleurs”), illustré par de magnifiques photos, recensant les espèces végétales du plateau de l’Arbois, près d’Aix-en-Provence qu’elle a arpenté pendant des années à la recherche de cèpes, de girolles, de bolets et même de morilles. Car elle était aussi une mycologue avertie.
Avec une forte personnalité, sans concession, et une honnêteté intellectuelle incontestable Annie maniait aussi un humour caustique qui surprenait et charmait tout à la fois. Tous ceux qui la côtoyaient devaient s’habituer à sa verdeur d’expression qui résonnait dans les locaux du LGQ et du CEREGE. Nous avons tous regretté son départ en retraite qui nous a privés de cette jubilation de l’entendre encore proférer ces franches vérités, sur la Science, la Recherche, la Vie…
Nous nous souviendrons de son amitié sincère et constante.
